L'évaluation par QCM en philosophie
Pourquoi l’évalutation par QCM
Le QCM permet d’administrer des évaluations très rapidement, habituellement sur des points de cours, avec un temps de correction très réduit (la correction pouvant être totalement automatisée. Ses vertus pédagogiques, pour les élèves, me semblent être de trois ordres:
- Améliorer l’apprentissage en continu du cours par les élèves, en les sollicitant par des évaluations de connaissances fréquentes. L’évaluation «totale» en philosophie arrive ordinairement relativement tard.
- Fournir a posteriori des supports de révision prêts à l’emploi. Sur le QCM corrigé, l’élève voit ses erreurs et dispose d’une réponse correcte prête. Dans la plupart des cas, l’élève qui n’aurait pas compris la raison d’une réponse (bonne ou mauvaise) pourra obtenir une réponse de ses camarades.
- En début d’année, des évaluations très précoces peuvent permettre de rendre plus clair «ce qu’il faut apprendre», question rendue complexe par la nature double du cours de philosophie, à la fois transmission et exemple.
En plus de ces trois qualités — indiquer ce qu’il faut apprendre, forcer l’apprentissage régulier, fournir des fiches de révision —, ce mode d’évaluation permet aussi de repérer rapidement les points de cours faisant difficulté. Les systèmes de correction automatiques permettent normalement d’indiquer, pour chaque question, le pourcentage de réussite, ce qui permet de repérer rapidement les points de cours demeurés obscurs — ou les questions mal conçues… Enfin, comme bonne note facile, il permet peut-être aussi de motiver les élèves et de les convaincre de leurs capacités avant le couperet, parfois brutal/20, de la première dissertation.
Bon QCM, mauvais QCM
Le QCM a mauvaise presse, et pas toujours pour de mauvaises raisons. Comme méthode d’évaluation, il est en quelque sorte tendu entre deux extrêmes: d’un côté, le QCM trop facile (Qui a dit «Je pense donc je suis»? A. Légolas B. Le magret de canard C. Descartes) ou le QCM à pièges, du type:
Dans Le Capital, paru en 1763, le philosophe allemand Karl Marx dit du travail:
- Que c’est toujours une mauvaise chose?
- Que c’est une activité humaine fondamentale, mais dont les conditions historiques déterminent l’expérience objective?
- Que c’est ce que les abeilles et les architectes ont en commun?
- Aucune de ces réponses n’est correcte.
(Il faut évidemment répondre 4, l’année de parution étant fausse).
Écrire un QCM, c’est toujours naviguer entre ces deux écueils. Avant d’écrire un QCM, il faut se demander ce qu’il est important que les élèves sachent. On peut lister cela d’avance, en amont même du cours, et même le donner à la fin du cours comme auto-évaluation. Par exemple: «Je sais résumer la première Méditation». Ce point essentiel (le QCM ne peut porter que sur ce qu’il faut retenir d’un cours de philosophie), il me semble que quelques règles élémentaires pourraient être:
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Les questions doivent donc porter sur des points précis du cours. Elles peuvent être fixées d’avance, lors de l’écriture des séances par exemple, pour guider l’enseignement.
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Elles ne doivent porter que ce qu’il est utile de connaître. Je ne pose jamais des questions sur, par exemple, la structure du cours lui-même, «Comment le cours justifie-t-il le passage du IIB au IIC?». Du point de vue de l’élève, la préparation de l’épreuve de QCM ne doit pas se distinguer de l’apprentissage normal du cours.
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Les distracteurs doivent être conçus de manière à ce que trouver la bonne réponse exige une réelle maîtrise, sans pour autant tendre de pièges. Un bon distracteur est vraisemblable, mais incontestablement faux (Saint-Augustin: le caractère du faux est le vraisemblable, etc)
À titre personnel, j’évite donc absolument les distracteurs qui sont des réponses techniquement correctes mais hors sujet, comme par exemple une définition juste d’un homonyme non philosophique.
Qu’est-ce que la résolution?
- La densité de pixels sur un écran.
Tout l’enjeu de la création de QCM consiste en ceci qu’il faut rendre l’exercice raisonnablement difficile, pour qu’il exige un réel apprentissage; sans le rendre «pervers», c’est-à-dire sans le rendre tel que le résoudre exige une attention soutenue à l’exercice en lui-même. C’est important, puisque le QCM n’est jamais une fin en soi, diriger l’attention vers lui est donc toujours une perte d’énergie pour les élèves. Voici quelques conditions d’un QCM non pervers:
- Les questions sont honnêtes. Elles affirment ce qui est vrai, et interrogent uniquement sur ce qui est douteux. On évitera donc par exemple «Wittgenstein, célèbre philosophe du XVIIIe siècle, dans le Tractatus…»
- L’indication du nombre de réponses juste est systématique, elle est claire et honnête. Elle n’est pas forcément exacte (une seule réponse juste, une réponse juste au maximum, zéro, une ou plusieurs réponses justes).
- Toutes les règles mises en jeu sont utilisées: s’il est annoncé que certaines questions peuvent avoir une ou plusieurs bonnes réponses, par exemple, cela doit être le cas d’au moins une. Si ça ne l’est pas forcément dans chaque QCM, l’indiquer explicitement.
- De la même façon, si «Aucune de ces réponses n’est correcte» est proposé, il est bon que ce soit, au moins une fois, la bonne réponse.
Créer de la difficulté
Voici quelques moyens pratiques de créer de la difficulté
- Dans un QCM sans points négatifs, le nombre de distracteurs doit être raisonnablement élevé.
- Les réponses intrinsèquement incorrectes sont à éviter, c’est-à-dire telles qu’aucune question raisonnable ne les rendrait justes («le travail est toujours une chose agréable»).
- Au contraire, un bon distracteur peut être une réponse correcte à une autre question, qui peut ressembler beaucoup à la question posée.